Palantir, Microsoft et la NSA accélèrent le recours aux IA et LLM par le renseignement américain

Palantir, Microsoft et la NSA accélèrent le recours aux IA et LLM par le renseignement américain

Palantir à vue

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Palantir, Microsoft et la NSA accélèrent le recours aux IA et LLM par le renseignement américain

Ces derniers mois, Palantir, Microsoft, le Pentagone et la NSA ont multiplié les annonces relatives aux capacités et projets en matière d'intelligence artificielle à des fins de renseignement et de ciblage militaire.

Palantir et Microsoft viennent conjointement d'annoncer une « avancée significative » dans leur « partenariat visant à apporter certaines des capacités cloud, IA et analytiques les plus sophistiquées et les plus sécurisées » à la défense et à la communauté du renseignement des États-Unis.

L'objectif est de leur permettre d' « opérationnaliser les grands modèles linguistiques (LLM) de Microsoft, les meilleurs de leur catégorie, via le service Azure OpenAI (AOAI) au sein de la plateforme d'IA de Palantir (AIP) » dans les environnements cloud gouvernementaux et classifiés de Microsoft :

« Désormais, grâce à ce partenariat, Palantir déploiera sa suite de produitsFoundry, Gotham, Apollo et AIP – dans Microsoft Azure Government et dans les nuages Azure Government Secret (DoD Impact Level 6) et Top Secret. Palantir sera également l'un des premiers à adopter le service OpenAI d'Azure dans les environnements Secret et Top Secret de Microsoft. »

Exploiter les capacités des IA, au-delà du chat

Le principal avantage, précise Nextgov, sera de permettre à certains clients fédéraux d'exploiter les capacités d'IA et d'apprentissage automatique dans leurs opérations, « de la logistique à la passation de marchés, en passant par la hiérarchisation des priorités et la planification des actions, et plus encore », souligne le communiqué.

« Palantir AIP a été le pionnier dans l'approche de l'opérationnalisation de la valeur de l'IA – au-delà du chat – à travers l'entreprise. Notre mission est de fournir cet avantage logiciel et nous sommes ravis d'être le premier partenaire industriel à déployer Microsoft Azure OpenAI Service dans des environnements classifiés », explique Shyam Sankar, Chief Technology Officer de Palantir.

Palantir et Microsoft ont par ailleurs signé plusieurs contrats majeurs avec l’armée cette année. En mars, l'armée américaine avait ainsi choisi Palantir pour développer dix stations terrestres du nœud d'accès au ciblage du renseignement tactique TITAN (pour Tactical Intelligence Targeting Access Node), « rendu possible par l'intelligence artificielle et l'apprentissage automatique (AI/ML) ».

Ces prototypes visent à aider l'armée à « connecter des capteurs de collecte de données provenant de plusieurs domaines aux tireurs sur le terrain pour prendre en charge le ciblage avancé au-delà de la ligne de vue », précisait Defense News.

D'un montant de 178 millions de dollars, le contrat cherche ainsi à « améliorer l'automatisation de la reconnaissance des cibles et de la géolocalisation à partir de plusieurs capteurs pour réduire les délais entre le capteur et le tireur (S2S) grâce à la désignation de cibles et à la fusion du renseignement », expliquait Palantir.

Une fois déployé, TITAN serait capable de détecter les menaces dans différents domaines, notamment l'air, la terre, la mer, l'espace et le cyberespace. Il utilise les technologies d'autres prestataires du ministère tels que Northrop Grumman, Anduril ou L3Harris, soulignait Decrypt.

Scanner et identifier les systèmes ennemis

Palantir avait également signé, en mai, un contrat de 480 millions de dollars avec l’armée américaine pour développer et déployer son programme MAVEN. Ce dernier utilise l’IA pour scanner et identifier les systèmes ennemis, relevait Defense Scoop.

Les systèmes MAVEN (MSS) de Palantir et BAS-T (Broad Area Search - Targeting) de la National Geospatial Agency (NGA) utilisent des algorithmes générés par l'intelligence artificielle pour scanner et identifier les systèmes ennemis, fusionner des données provenant de divers systèmes de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR) afin d'identifier les zones d'intérêt, précisait le communiqué :

« La vitesse à laquelle une cible hostile peut être détectée est cruciale pour les autres étapes du cycle de ciblage (Décider, Détecter, Délivrer, Évaluer). L'IA est capable d'aider en filtrant des paramètres spécifiques définis par l'utilisateur, en passant au crible de grandes quantités de données, en extrayant ce qui est pertinent et en fournissant aux analystes des données en temps quasi réel. [...] Une fois confirmées, les informations peuvent être interfacées avec les systèmes de commandement de mission existants de l'armée, tels que le système de données tactiques de l'artillerie de campagne avancée (AFATDS), afin de générer des missions de tir. »

Le Pentagone souhaite en effet utiliser l'intelligence artificielle pour mettre en œuvre son concept de combat CJADC2 (Combined Joint All-Domain Command and Control), qui vise à mieux connecter les plateformes, les capteurs et les flux de données de l'armée américaine et de ses principaux partenaires internationaux, résumait Defense Scoop :

« Les responsables de la défense ont l'intention d'exploiter l'IA pour aider les commandants et d'autres personnels à prendre des décisions plus rapides et plus judicieuses et à améliorer l'efficacité et l'efficience opérationnelles. »

En mai, Microsoft avait de son côté déployé un modèle basé sur GPT-4 sur un cloud « air gap », et donc déconnecté d'Internet, à destination des services de renseignement états-uniens.

Le gouvernement américain soutient la croissance de Palantir

« Notre croissance sur les marchés commerciaux et gouvernementaux est stimulée par une vague incessante de demandes des clients en matière de systèmes d’intelligence artificielle qui aillent au-delà du performatif et de l’académique », explique Alex Karp, cofondateur et PDG de la société, dans la lettre qu'il vient d'adresser aux actionnaires de Palantir.

Sa plateforme phare d’intelligence artificielle (AIP), lancée il y a un peu plus d’un an, « a déjà transformé notre activité », avec un chiffre d'affaires en croissance de 55 % par rapport à l'an passé. Ses clients commerciaux, passés de 14 en 2020 à 295 au second trimestre 2024, représentent aujourd’hui la moitié de tous les clients de Palantir.

L'annonce de ce partenariat avec Microsoft fait suite à un « trimestre exceptionnel » pour Palantir dans le domaine des ventes aux gouvernements, note FedScoop. L'entreprise a en effet déclaré 371 millions de dollars de ventes dans cette catégorie, en augmentation de 23 % par rapport à l'an passé.

21 ans après sa création, cofinancée par In-Q-Tel, le fonds d'investissement de la CIA, Palantir dépend encore, pour 75 % de ses revenus gouvernementaux, du seul gouvernement états-unien. Il représente également 41 % du total de ses revenus, en progression de 24 % sur un an. Alex Karp s'en félicite :

« Pour la première fois dans l’histoire de notre entreprise, notre activité dans le secteur public aux États-Unis – défense et agences de renseignement incluses – a dépassé ce dernier trimestre le milliard de dollars de chiffre d’affaires sur une période glissante de douze mois. »

7 000 analystes de la NSA utilisent des IA génératives

La semaine dernière, le général Timothy Haugh déclarait pour sa part que plus de 7 000 analystes de la NSA avaient commencé à utiliser des outils d'IA générative, relève Defense One. Chef de l'United States Cyber Command (USCYBERCOM) et du Central Security Service (branche cybersécurité de la NSA), il a précisé que l'agence aurait aussi « plus de 170 projets différents en cours dans le domaine de l'IA » :

« Mais il n'y en a qu'une dizaine dont nous devons nous assurer, du point de vue de la sécurité nationale, qu'elles sont impressionnantes. Pour les 160 autres, nous voulons créer des possibilités d'expérimentation, d'exploitation et d'utilisation en toute conformité. Certains de ces éléments deviendront des éléments tout aussi essentiels. Mais ces dix-là, nous devons les prendre en compte. Car ce sont ces éléments qui nous permettront d'apporter un avantage à notre nation. »

Le centre de sécurité de l'IA (AISC) de la NSA, créé il y a près d'un an afin de « promouvoir le développement, l'intégration et l'adoption en toute sécurité des capacités d'IA au sein des systèmes de sécurité nationale et de la base industrielle de défense des États-Unis », commencerait à porter ses fruits, a indiqué M. Haugh.

« Ils produisent des produits qui identifient les vulnérabilités des grands modèles de langage, la manière dont ces modèles peuvent être sécurisés et la manière dont ils peuvent être ciblés par les États-nations », a détaillé le général. « Nous publions donc des produits non classifiés qui ouvrent la discussion avec l'industrie », en particulier avec les petites entreprises, précisait-il.

La NSA veut aussi « minimiser les risqués liés à l'IA »

La NSA, qui plaide en faveur de l'IA, met cependant en garde les startups contre leur vulnérabilité au vol de propriété intellectuelle. Elle n'en pousse pas moins à une adoption plus large au niveau gouvernemental. Elle aide également les entreprises à comprendre les menaces qui se développent.

L'un des objectifs du centre est d'intégrer les petites entreprises qui ont une propriété intellectuelle « mais qui n'ont peut-être pas l'infrastructure dont disposent les grandes entreprises axées sur l'IA », a déclaré M. Haugh. « Nous voulons nous assurer que nous protégeons tous les modèles que nous utilisons, la technologie que nous utilisons, et que nous le faisons d'une manière qui est certainement conforme et responsable » :

« Il est toutefois important de ne pas considérer l'IA uniquement comme un moyen de renforcer nos capacités. L'une des façons dont la NSA s'efforce de minimiser les risques liés à l'IA générative consiste à mettre en place un processus de gouvernance de l'IA solide, guidé par un responsable de l'IA, qui veillera à ce que les droits à la vie privée soient pleinement préservés et à ce que toute adoption de l'IA avancée soit conforme à la loi et sécurisée. »

Commentaires (3)


Surpris que ça n'arrive que maintenant. J'ai toujours pensé que la NSA avait un coup d'avance sur l'IA au vu des investissements massifs dans ses départements de mathématiques (universitaire ou non).

Je pense également que le mot Artificial Intelligence prends, enfin, tout son sens. Pour ma part, j'ai toujours pensé que la traduction littérale d'Intelligence (en) -> Intelligence (fr) n'était qu'une conséquence des marketeux alors que Renseignement m'aurait paru bien plus approprié. (A opposé au renseignement "organique" (i.e., humain)).


Mais ce qui m'inquiète le plus c'est pas la NSA (après tout elle fait son boulot). Mais le fait que beaucoup trop de boites utilisent Microsoft (pensons à Outlook, au Cloud, à son OS) !
Avec ce genre d'annonces, on imagine très bien l'espionnage économique qu'on va se manger dans les dents. La NSA pour la valorisation et Microsoft comme un gestionnaire d'un gigantesque DataLake et d'outils d'IA pour l'analyse.
De mon côté, je suis toujours assez étonné de voir des boîtes non-américaines tout mettre dans Azure alors que la NSA a comme mission de faire de l'espionnage économique (et donc industriel).
L'IA pour aider à passer des marchés ? Tiens, je me demande si on étudie les biais de tels IA.
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